Le plus con que je connaisse

Publié le par Ping' & GéGé

Je n'avais jamais parlé de lui en termes très élogieux. Souvent, lorsque je le voyais accourir vers moi, ses yeux brillants, remuant la queue, prêt à me sauter dessus telle la brute moyenne, je n'avais pas d'autre parole que : "C'est le chien le plus con que je connaisse". 

 

Ah ben ça, il n'était pas fin et ne perdait jamais une occasion de le montrer. Déjà à son arrivée, il s'était présenté comme un chien bagarreur, qui attaquait les autres. En plus d'être dangereux pour lui et pour les autres chiens, c'était difficile à gérer puisque nous ne pouvions plus nous permettre de le laisser sortir avec les autres. Alors je l'avais sorti, une fois, pour découvrir le même chien que celui que j'avais vu sur la cour. Déjà, il dégageait une classe assez impressionnante. Labrador-molosse, gros de partout, une tête de nounours avec des airs de brute. Une beauté particulière mais je peux vous l'assurer : ce chien était sublime et avait accroché mon regard dès les premiers instants. Ensuite, il se révélait assez peu diplomate. Quand quelque chose ne lui plaisait pas, c'était simple : il attrapait la laisse, serrait les mâchoires, et ce n'était ni plus ni moins qu'un rapport de force. J'ai vu le fossé de près, je me suis fait mal aux bras, j'ai eu peur, peur de lâcher, peur de ce chien aux dents sorties et au regard fourbe. Mais je n'ai jamais lâché, et il ne m'a jamais rien fait. Aujourd'hui, ce problème est résolu. Et enfin, il était un chien vraiment ... "Pas fini". "Même pas à commencer" diraient certaines mauvaises langues. Quand il passait du mauvais côté d'un poteau, au lieu de revenir comme presque tous les chiens le font, il refaisait le tour. Deux fois même, parfois. Il ne comprenait pas ce qu'on lui demandait et avait tendance à se montrer brutal, du genre à vous sauter dessus pour avoir un câlin, ouais, mais un câlin avec les dents...

 

Mais Enzo, car c'était le nom de mon gros labrador-bisounours, ne sortait toujours pas en compagnie des autres chiens... Alors je n'ai pas eu le choix, j'ai continué. Et je ne vais pas vous mentir : c'était loin d'être une corvée malgré la crainte qu'à chaque promenade il se remette à se battre avec moi. Je m'amusais, en vérité, avec ce chien qui ne voyait pas beaucoup plus loin que le bout de son nez. Je le poussais à réfléchir, à résoudre des problèmes, et surtout, j'ai commencé à avoir des preuves d'affection uniques. Enzo se collait à moi, Enzo cherchait les caresses, et Enzo obéissait. Enzo avait bien changé. 

Il a ensuite été déplacé avec d'autres chiens. Des cas, puisqu'il se trouvait dans le box des chiens qui posent généralement des problèmes. Il se battait encore, mais moins. Il ne devenait pas plus intelligent. Et surtout, j'avais moins l'occasion de le sortir. Pourtant je n'ai pas oublié et, chaque fois que l'occasion s'est présentée, il sortait. Il ne se battait plus, il était gentil. Pas fin, évidemment, mais gentil et reconnaissant. 

Et sans que j'en prenne véritablement conscience, sans que je réalise quoi que ce soit, un lien s'est tissé. Peut-être qu'il n'était pas si con pour s'attacher autant. Peut-être que c'était juste un gamin qui ne savait pas encore tout de la vie. En tout cas, aujourd'hui, à chaque fois que j'entre dans sa cour, c'est quasiment rituel. Il me saute dessus, pose ses pattes arrières dans mon dos, fait le con autour de moi. M'attrape les mains parfois, se fait engueuler, mais revient toujours. Une vraie brute prête à me faire tomber. Il me suit partout aussi, et m'apporte ses jouets. Et moi je me tords de rire devant ce chien si spécial... "Il est con, mais qu'est ce qu'il est gentil !"...

 

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"Enzo, ta pieuvre !"

Publié dans Sentiments

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